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Unique centre prenant en charge les femmes touchées par la drogue et la prostitution, Chrysalide fête ses dix ans. Cinq cents femmes comptant parmi les plus vulnérables de la société y sont passées. Quelques-unes s’y sont mues en beaux papillons. Les responsables du centre ont compris qu’il leur faut constamment se réinventer face à la complexité du problème.
Il fait peut-être un peu chaud, mais une bonne tasse de thé ne se refuse pas sous la varangue créole de Chrysalide à Bambous. Sinon, ce sera un grand verre de jus de tamarin frais, fait à partir du tamarinier qui se trouve à l’arrière. À 15h, ce ne sont pas les travaux en cours dans la cuisine et la grande salle à manger qui changeront les habitudes de la maison. Quelques petits gâteaux attendent dans un panier posé au centre de la petite table, autour de laquelle les pensionnaires et quelques animatrices se sont installées.
Stef est aussi présent. Le centre est devenu un peu la nouvelle maison du garçonnet de 6 ans depuis que sa mère est retournée à Chrysalide, il y a trois semaines. La balançoire et le toboggan du jardin d’enfants lui conviennent parfaitement, mais le petit ne l’oublie pas : l’école reprend lundi. Il ne manquera pas ses cours. Là-bas, “nou aprann bon manier”. L’école l’aidera aussi à devenir un grand garçon. Plus tard, il sera mécanicien, comme son frère.
Sa mère voudrait qu’il fasse du sport. Cela l’occupera : elle ne veut pas que l’oisiveté conduise son jeune fils sur la mauvaise pente. Elle, cela l’avait menée aux drogues. Derrière son drame, de mauvaises expériences vécues durant l’enfance et les tristes circonstances de la vie. Sa tasse de thé en main, elle affirme qu’elle veillera à ce que tout aille bien pour Stef. Elle deviendra cette bonne mère qu’elle n’a pas toujours eu l’impression d’être. Elle entame sa reconstruction.
Dépendance.
Moment en apparence banal, ce thé de l’après-midi revêt toute son importance. C’est une de ces petites choses de la vie de tous les jours qui aident les pensionnaires de Chrysalide à renouer avec des habitudes perdues, sacrifiées au nom des souffrances de la dépendance et, dans certains cas, des chaînes du commerce sexuel. “Ici, nous apprenons à retrouver une vie normale et à nous retrouver nous-mêmes”, confie la mère du petit Stef. Après dix ans de dépendance et plusieurs vaines tentatives de réhabilitation, elle a décidé que cette fois serait la bonne. Chrysalide sera le cocon de sa renaissance.
Il en est de même pour Véro et pour Natasha. La première a connu six années de dépendance aux drogues. La seconde est rentrée à Maurice dans l’espoir d’exorciser les démons qui la tourmentent dans l’alcool depuis des années. Elles ont posé leurs bagages à Chrysalide et s’y sont construit un havre d’espoir, loin de l’horreur. Comme pour la mère de Stef, la dépendance aux drogues a conduit Véro au cœur de l’enfer. Ce mal déshumanise, prive ses victimes du respect de soi, les éloigne des vraies priorités de la vie et les livre aux flammes d’une vie de tourmente. C’est pourquoi Véro, mère de trois enfants, a pensé mettre fin à ses jours : “Je voulais en finir. Je n’en pouvais plus.” Dépendante de son besoin en drogue, elle ne vivait que pour calmer les crises de manque. Elle en était arrivée à oublier ses enfants et à s’oublier elle-même. Elle sait que la remontée ne sera pas facile. “Je vais y arriver.”
“Vinn enn model pou lezot”.
Chrysalide n’offre aucune solution miracle, sinon un cadre et un encadrement qui permettent aux femmes de prendre appui pour se relever grâce à la volonté qu’elles acquièrent ici. Natasha ira jusqu’au bout du programme afin que ses enfants et sa mère soient fiers d’elle. Véro est décidée : “Mo pou konbat pou mo bann zanfan ek pou momem. Mo inn anvi vinn enn model pou lezot.” Quand tout sera fini, elle exercera comme receveuse d’autobus.
Il y a celles qui se sont engagées dans le travail social au sein de Chrysalide ou dans d’autres ONG. Grâce aux cours en technologie informatique suivis ici, une femme est devenue la secrétaire d’un médecin. Les ateliers d’élevage et la discipline imposée ont servi à celle qui prospère désormais avec du bétail et qui compte une cinquantaine de bêtes. D’autres travaillent comme employées d’hôtel, femmes de ménage ou sont engagées dans des petites et moyennes entreprises, et profitent des connaissances acquises dans les ateliers de soins de beauté, de massage ou de fitness.
Plusieurs belles histoires racontent celles qui ont pu décrocher des substances et reconstruire leurs vies. Environ 25% de réussite chez les quelque 500 femmes qui ont franchi le seuil du centre de Bambous en dix ans. Chrysalide a vu de beaux papillons ouvrir leurs ailes en son sein. Pas autant qu’il l’aurait souhaité, mais suffisamment pour avoir la fierté d’avoir sauvé des femmes qui avaient été abandonnées au désespoir. Et, à travers elles, leurs familles et leurs enfants.
Se réinventer pour s’adapter.
Un quart de réussite : le chiffre est honorable pour cette ONG, qui a dû tout inventer quand elle s’est implantée dans le paysage en février 2005. En dépit d’un problème observé depuis les années 1980, il n’y avait aucune structure pour prendre en charge les femmes souffrant de dépendance aux drogues. À l’époque, un rapport du ministère de la Santé estimait à 6,000 le nombre de femmes concernées. Avec sa famille et ses enfants, la femme, même au plus profond de son désespoir, reste souvent le principal pilier des structures de la société.
Particulièrement vulnérables, plusieurs des femmes touchées par la dépendance se retrouvent dans la prostitution et dans une profonde misère humaine. Absence de ressources, violence, viol et abus en tous genres font partie de leur vie : il y a toujours des détraqués pour profiter de leur faiblesse. À plusieurs reprises, des policiers ont été dénoncés pour des actes de torture et de violence. L’opinion publique a également été marquée par les atrocités commises sur certaines, dont Marie-Ange Milazar, violée et torturée à mort alors qu’elle était enceinte.
Directrice de Chrysalide depuis le départ, Marlène Ladine rappelle qu’à l’époque, l’encadrement avait commencé directement au Jardin de la Compagnie. Chrysalide s’était inspiré du programme du Centre de Solidarité, qui s’occupe de la réhabilitation des hommes. “Mais nous ne savions pas que la situation serait aussi complexe que cela”, souligne Marlène Ladine. Pour avancer vers ses objectifs, Chrysalide a souvent eu à se réinventer pour s’adapter. “Dix ans, cela peut sembler peu, mais il s’est passé beaucoup de choses ici.”
Suivi auprès des enfants.
En ce moment, Chrysalide fait peau neuve. Nouveau sol, nouvelle peinture, plus de lumière : les travaux en cours permettront au centre d’offrir un nouveau cadre afin de donner l’occasion à celles qui reviendront de trouver d’autres repères et plus de convivialité. Rien n’est jamais gagné d’avance : l’abandon et la rechute font partie du programme. Désormais, pour faire le suivi de ses pensionnaires, le centre poursuit l’encadrement à travers des visites régulières auprès de celles qui sont en phase de réinsertion. Cette étape est souvent difficile, explique Marlène Ladine. Après la période résidentielle au centre, la femme se trouve dans son environnement initial, avec souvent les mêmes difficultés et les mêmes préjugés qu’avant.
Si le programme est avant tout destiné aux femmes, un suivi est aussi effectué auprès des enfants pour les aider à trouver leurs repères. Ce nouveau service dispensé en dehors du centre s’est avéré important. “À leur arrivée, certains enfants ne savent même pas parler ou n’ont jamais mangé du solide dans leur vie, car leurs mères n’ont jamais eu le temps de s’occuper d’eux. Ces enfants-là n’ont jamais choisi ce type de vie. Il est normal que nous leur donnions une chance d’intégrer la société pendant que leurs mères se reconstruisent.”
Drogue et prostitution.
L’arrivée de la thérapie de maintenance à la Méthadone pour des personnes souffrant de dépendance aux opiacés ainsi que quelques autres changements ont aussi poussé Chrysalide à revoir son programme. Mais le défi constant est aussi de rester en phase avec la réalité du terrain, où la panoplie de produits illicites s’étend constamment. Les réactions sur les consommateurs varient et sont parfois imprévues. Il faut savoir anticiper.
L’une des plus jeunes pensionnaires du centre y est entrée à 14 ans. Elle souffrait déjà de dépendance. Cela devient de plus en plus courant. De 14 à 17 ans, elles sont non seulement déjà en plein dans l’univers de la drogue mais également dans celui de la prostitution. C’est d’ailleurs l’un qui conduit vers l’autre, peu importe l’ordre. Leurs clients : des touristes ou des personnes aisées. Les gains du départ sont conséquents et permettent à ces jeunes filles un mode de vie assez particulier, entre portable dernier cri et vêtements de marque. La problématique étant différente, la prise en charge devient plus complexe.
À l’avenir, d’autres changements seront nécessaires pour que Chrysalide continue à avancer vers ses objectifs. Le nombre d’animateurs a augmenté et davantage d’activités sont proposées aux pensionnaires. Avec toujours la même motivation : celui d’offrir un espoir aux femmes les plus vulnérables de la société.
Comment
oui jean louis yen a qui sont devenu actrices de changement
Annick, merci pour l'histoire de Chrysalide. Quand Chrysalide a sa peau neuve, nous aimerions voir une image ici.
Merci Annick.
Tu as un grand talent de conteuse. C'est comme si on y était!
Les pensionnaires peuvent-elles devenir actrices de changement dans leurs communautés? As-tu de telles expériences à raconter?
A bientôt à Maurice (j'arrive demain)
JL
Merci Annick pour ce partage! Bonne continuation !
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