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C'est l'hiver austral au Mozambique. Le ciel est bleu, sans nuages à l'horizon, le soleil luit, mais l'air est frais et sec. Dans ce quartier du sud de Matola, à 35 km de Maputo, nous marchons sur la piste de sable bordée de haies d'euphorbe entourant de modestes maisons. Des femmes nous regardent passer, assises à côté de leurs étals, sur lesquels sont disposés quelques produits de première nécessité. Ici et là, des tas de vêtements pour la vente de seconde main.
Notre équipe SALT s’apprête à répondre à l'invitation d'une dame rencontrée lors d'une conversation communautaire sur le sida et la vie. Nous entrons dans sa parcelle. Elle est propre, le sol récemment balayé. La dame nous accueille devant sa petite maison en béton, avec sa porte et une seule fenêtre, fermée par un volet de bois. Des tôles ondulées couvrent la maison, retenues par de grosses pierres disposées sur le pourtour. Que se passerait-il en cas de tempête, je me demande? La dame sort de sa maison des chaises en plastic blanc, et pendant que les membres de l'équipe SALT prennent place, j'explore les arbres fruitiers disposés ça et là dans la parcelle. Nous nous trouvons à des milliers de kilomètres du Bas-Congo où j'ai vécu il y a plus de trente ans, mais je me sens comme chez moi dans ce cadre familier !
La conversation peut commencer. Notre hôte, une mère de deux fils est assise à notre gauche. Le plus jeune des fils, âgé d’à-peu-près 18 ans, est assis sur un bidon en plastic, légèrement au-dessous d'elle. Ses cheveux sont hirsutes. Il semble désemparé et triste. Sa maman, elle, paraît vivre au-delà de la tristesse. Il y a quelque chose de dramatique dans ses yeux et nous allons bientôt savoir pourquoi. La conversation est en ronga, la langue locale, et je demande à Nelson, mon interprète de me traduire l’essentiel. Ses deux fils sont handicapés mentaux, et peuvent être très violents. « Les garçons ont tout cassé dans notre maison », dit-elle « Ils ont même mis le feu à nos matelas! » Captivé par son histoire, Nelson en oublie de traduire.
Voici qu’arrive son deuxième fils. Son corps grand et svelte est couvert de sable. Son regard agité exprime des émotions changeantes, parfois douces, parfois violentes. Il va s'asseoir sur le sable, juste en face de moi. Nous établissons un contact visuel et nous nous saluons en silence. Comme il prononce quelques mots en anglais, nous nous présentons. Il s’appelle Ben. Au fur et à mesure que la mère continue de raconter son histoire, le groupe devient de plus en plus tendu. Cédant au stress, ils arrêtent d’apprécier les forces et reviennent à l'ancien mode: ils donnent des conseils."Vous devriez chercher votre mari", dit un homme à la maman. - Evidemment, c’est ce qu’elle a fait ! «Vous devriez adhérer à une organisation d'entraide!"
Pendant ce temps, Ben se lève, part couper une branche fleurie et me l'offre. Il pose devant moi des bâtons de 10 cm de long, parallèles comme dans une boîte de crayons. Il part chercher ses bottines militaires dans la maison et les dispose à mes pieds. Personne d'autre ne prête attention, absorbé par le drame vécu par la mère. Le frère cadet se renfrogne de plus en plus.
La tension devient insupportable. Tout-à-coup, Ben prend position en face de nous, se met au garde-à-vous et nous fait le salut militaire. La conversation s’arrête, et tout le monde se demande ce qui va suivre. Maintenant que tout le monde est attentif, Ben nous fait une démonstration de Kung Fu! C'est Jackie Chan à son meilleur niveau! Ses pieds rasent nos visages. Ben quitte ensuite la parcelle pendant que nous nous remettons de notre surprise, et avouons-le, de notre frayeur.
Je décide d'intervenir. Et si nous revenions aux bases du SALT et d'explorions les forces de chacun, y compris celles des garçons? Pourrions-nous engager la conversation avec eux? Les membres de l'équipe sont d’accord et commencent à parler avec le jeune garçon. En fait, Ben travaille sur des chantiers de construction ! L’atmosphère se détend immédiatement. Un sourire éclaire le visage du garçon. Alors qu'il commence à raconter son histoire, Ben revient et se joint à la conversation. Je vois que la mère se détend aussi ...
Le lendemain, les 60 participants au festival d’échange organisé par Handicap International réfléchissent à leur expérience des visites SALT. Une dame du quartier du Sud de Matola partage sa réflexion sur notre visite. «Hier, j'ai fait l’expérience du SALT. Quand nous avons commencé la visite, nous n'avons pas salué les garçons. Tant que nous ne les considérions pas comme des êtres humains, nous n'avons vu aucun espoir dans cette situation. Mais dès que nous les avons accueillis et recherché leurs points forts, nous avons tous pu voir qu'il y avait de l'espoir. Il y a moyen d'avancer! "
Notre visite SALT a stimulé de nouvelles connexions entre une famille et des membres de la communauté du Sud de Matola. Avec un peu d'accompagnement de l'équipe de facilitation locale, deux jeunes gens ont toutes les chances de récupérer et de passer à autre chose. Leur mère pourra se détendre et jouir de la beauté de la vie.
Comment
Superbement écrit, JL! Merci pour ce partage.
Je pense que ces garçons là sont très sensibles à l'énergie autour d'eux... Est-ce tendu ou plein de calme et de positivité.
Magnifique comme message qui démontre comme nous sommes encore loin d’être vraiment « SALT » je pense que c’est parce que nous n’en sommes pas imprégnés dans chaque moment de notre vie, du moins en ce qui me concerne
Merci Jean Louis
JL, je trouve cette histoire fantastique. Puisque le jeune garçon a commencé a raconter son histoire, nous souhaitons que l'équipe SALT continue les visites qui aideront /stimuleront le jeune garçon à transformer les évènements douloureux vécu en un récit ou il est lui même acteur de son histoire. Il aura ses propres mots pour exprimer ce qu'il ressent et avec la force de l’équipe SALT, il découvrira les ressources internes, externes voire compétences qu'il a pour avancer malgré son handicap.
J'ai beaucoup aimé et souhaite que l’équipe de Matola partage avec nous la suite de cette histoire.
Merci encore a vous pour ce partage émouvant.
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